Mon coeur est un palais flétri par la cohue ;
On s'y soûle, on s'y tue, on s'y prend aux cheveux !
- Un parfum nage autour de votre gorge nue !...| Charles BAUDELAIRE
Ô Beauté, dur fléau des âmesUn mot a été glissé au bas de ma porte. Une carte blanche où il est écrit un lieu, une date et une signature. Une invitation en bonne et due forme des Saelu. Depuis mon intégration, c’est la deuxième qui se trouve sur mon sol humide. Il arrive que parfois, cette famille puissante organise des réunions avec des personnes influentes dans leur business et d’autres qui y contribuent autrement. Comme moi par exemple, qui aide la famille en réparant leur mécanique ou en souillant mon corps pour leurs précieuses mines d'or.
Alors, à minuit, pendant que les enfants dorment et que les démons se réveillent, nous sommes conviés dans une résidence d’un membre du gang pour festoyer leur industrie pornographique. Puissants et riches, ils trônent sur le secteur du X et ils l’annoncent à chacune de ces soirées fièrement.
C’est à pied que j’arrive à la résidence privatisée. Avant d’accéder à l’intérieur, des vigiles demandent le carton d'invitation. Ensuite, il faut traverser un long couloir illuminé brièvement par des néons violets. Après avoir monté un escalier, enfin une entrée se présente. Il faut pousser les lourdes portes foncées pour accéder enfin à l’appartement.
Entre les quatre mûrs, la musique résonne fort, très fort. La lumière est faible et colorée pour une ambiance tamisée. Les invités se tiennent debout et assis, sur les canapés, les chaises hautes du comptoir, au milieu de la pièce, dans les escaliers ou même aux étages supérieurs.
Solo, je vais chétif au bar pour emporter avec mes doigts longs et fins mon verre au contenu inconnu. Effacé, je me colle à l’un des quatre mûrs et noie le fond de ma gorge par de multiples gorgées saccadées. Déjà, après quelques coups d'œil, je peux reconnaître plusieurs anciens ou actuels clients. Munis de leurs plus beaux bijoux flamboyants, ils friment et sympathisent. Fatigué de voir ce spectacle toujours du bas de l’échelle, je fais comme je sais si bien le faire, boire pour eux, attendre après eux et m’incliner devant eux.