La journée a été plutôt calme. Quelques réparations de montre, quelques assemblages de mécanismes, quelques ventes, et de la gestion de stock. Rien de bien exaltant, et en même temps la tranquillité rassurante d'une routine qu'il maîtrise et qui l'anime toujours autant. La précision des engrenages, il aime ça. Il pourrait y passer des heures.

Mais il y a des travaux qui ne peuvent pas se faire à la boutique. Les plus grosses horloges, celles qui sont lourdes ne se déplacent pas, sauf vraiment en cas d'obligation. La plupart du temps, il préfère se déplacer, pour éviter à ces belles demoiselles les inconforts du transport et les risques des chocs inutiles.

Cela ne le dérange pas. En plus, il aime faire de nouvelles rencontres. Même s'il s'assure toujours de rester très professionnel, il aime se montrer un peu curieux, et faire la connaissance de ses clients, pour ceux qui restent réguliers. C'est aussi le charme du commerce, non ? Réussir à convaincre les gens de revenir dans leur boutique pour la même chose, et d'autres choses encore.

Lorsqu'il arrive chez son client, il sonne à l'interphone indiqué, puis entre. L'ascenseur le conduit au dernier étage, et il ne trouve qu'une seule porte. Il en conclut que c'est ici qu'il doit frapper, donc il le fait, pour venir à la rencontre de Song Min Jun, avec son sac de matériel sur l'épaule. Il a hâte de découvrir pour quel genre d'horloge il se déplace aujourd'hui. Il espère découvrir l'une de ses vieilles horloges dont les mécanismes sont des merveilles de construction, mais aussi d'une grande fragilité, nécessitant un toucher si léger qu'il en est déjà impatient.

Lorsqu'un homme s'avance, il sourit un peu et dit : « Je suis Seatan Kittipat, de l'horlogerie Saetan & sons, j'ai rendez-vous avec Song Min Jun, je viens pour réparer une horloge ». Il se montre poli et respectueux, le saluant dans les formes. Il préfère cela et s'ajuste sur un mode plus décontracté après coup, selon les attentes du client. Pour ne froisser aucun orgueil, surtout que l'appartement à l'air vraiment immense.

Il n’y a pas grand-chose auxquelles je tienne vraiment. Une poignée de photos rangées dans une boite à chaussure au fond d’un placard, cette chatte que j’ai ramenée avec moi de Mokpo et puis cette vieille horloge, souvenir d’un long séjour à Londres. C’était déjà une antiquité à l’époque et quand on me l’a offert, c’était davantage en guise de blague. Pourtant c’est un cadeau auquel je tiens, qui jure peut-être un peu avec le reste de la décoration du penthouse démesurément grand dans lequel je vis. A Mokpo aussi je vivais au sommet d’une tour, comme si vivre ainsi pouvait me protéger des autres. Autrefois je le croyais, aujourd’hui j’en suis convaincu. Mon cœur ou du moins ce qu’il en reste, je l’ai laissé à Mokpo, avec cet homme qui s’est marié et qui vit certainement une paisible vie de famille avec cette femme qu’il a préféré à moi. C’est tout le mal que je lui souhaite. Ici, j’ai suffisamment de souffre-douleur pour m’aider à vaincre ma peine même si je doute y arriver un jour.

L’horloge s’est arrêtée. L’idée que le temps soit suspendu m’a fait sourire un bref instant avant que je ne me décide à appeler quelqu’un capable de s’occuper de cette ruine. Je pourrais m’en débarrasser mais je ne peux pas. Il ne me reste que trois choses. Trois souvenirs et j’y tiens.

Il sonne à l’interphone puis quelques minutes plus tard, c’est contre ma porte qu’il toque. Je vais lui ouvrir d’un pas nonchalant et je dois avouer que j’ai du mal à dissimuler ma surprise en le découvrant sur le pas de ma porte. Il a trente ans de moins et il est plus charmant que prévu. Malgré moi, un léger sourire s’imprime sur mes lèvres alors que je l’invite à entrer. Un garçon si mignon est donc l’horloger qui va sauver mon antiquité. Intéressant.
« Je suis Song Min Jun. Entrez. Je vais vous montrer l’horloge. »
Je referme la porte derrière lui et l’emmène jusque dans un bureau où se trouve l’horloge en question.
« C’est une horloge comtoise du XVIIIe achetée dans une boutique d’antiquité à Londres. Croyez-moi, elle en a vu du pays puisque je l’ai ramené avec moi jusqu’en Corée du Sud avant qu’elle ne vienne s’installer ici, à Bangkok. Mais c’est la première fois qu’elle se montre aussi capricieuse. Quoi que je fasse, elle refuse de fonctionner. Je crois qu’une pièce s’est cassée. »
Tout en lui parlant, je ne le quitte pas du regard. D’ailleurs je finis par lui demander :
« Est-ce que ça vous ennuie si je vous regarde faire ? »

C'est un homme qui lui ouvre. Un peu plus âgé que lui. Très agréable à regarder. Kittipat ne va pas se mentir, il est plutôt beau. Et il aime bien regarder les gens beaux. Ils sont plaisants, attirants, et il aime ça. Il est assez faible même en réalité, facilement abordable et abordé. Il ne va pas s'en plaindre, cela ne rendra son travail que plus intéressant.

L'homme est d'ailleurs surpris alors qu'il le détaille. Ce n'est pas la première fois, ce n'est pas étonnant. Les clients ne s'attendent souvent pas à quelqu'un de si jeune. Il pourrait presque avoir l'air inexpérimenté alors qu'il ne l'est pas. Au contraire.

Il se présente et en retour, l'homme en fait de même. C'est donc avec lui qu'il a rendez-vous, et il l'entraîne jusqu'à un bureau dans lequel se trouve l'horloge. Il est un peu impatient de la découvrir. Il l'est toujours un peu.

Il la lui décrit, mais en réalité, il aurait pu la reconnaître et l'identifier rien qu'à la façon dont elle est faite, et particulièrement dont elle est assemblée. Il la contemple, délaissant totalement le propriétaire pour la regarder et l'apprécier. « Elle est magnifique... ». Il sourit un peu et dit : « Et étonnamment robuste pour tant de voyages, vous en avez pris grand soin ». C'est un compliment. Parce qu'elle est magnifiquement entretenue, et qu'elle ait fonctionné aussi longtemps après plusieurs déménagements avec autant de distance est surprenant. Même si les constructions sont solides, les transporteurs aujourd'hui ne font que peu attention à leurs marchandises, même lorsqu'on paye cher un transport de produits fragiles.

Il sent son regard sur lui et tourne finalement la tête lorsqu'il lui pose une question. Il sourit et dit : « Non, bien sûr que non. Aucun souci. J'espère que j'aurais toutes les pièces pour la réparer aujourd'hui, sinon il faudra que je repasse, elles sont tellement uniques qu'il vaut mieux mettre les bonnes pièces ». Il détesterait avoir à mettre une pièce non adaptée, même si certaines pourraient correspondre en partie. Il pose son sac et commence par évaluer un peu la solidité de l'horloge, pour savoir s'il peut la manipuler sans crainte, une fois rassuré, il l'ouvre et attrape sa lampe torche pour jeter un premier regarde. Il s'émerveille tout seul, comme un enfant, appréciant toujours autant de découvrir une nouvelle amante. Puis, après un examen général, il attrape ses lunettes grossissantes et les met sur son nez pour observer un peu plus dans le détail.

Il constate un peu de poussière, et quelques pièces abîmées. Il pourrait les restaurer un peu, mais il a bien envie de la laisser en état. Pour le moment, il s'occupe d'abord de localiser la panne. « Certains horlogers, vous conseillerez sans doute de changer les pièces un peu usées. Mais hormis si l'une d'elles l'est vraiment trop, je ne vais changer que celles qu'il faudra changer, et si je peux réparer les pièces d'origine alors je le ferais, pour la conserver autant que possible comme elle a été conçue ». Il ne pourra peut-être pas tout garder. Mais s'il le peut, alors il le fera. Il aime prendre soin de ces belles choses.

Il y a des choses qui sont irremplaçables et dont la perte ne pourra jamais être compensé même avec tout l’or du monde. Cette horloge a beaucoup de valeur mais ce n’est ni son ancienneté, ni sa rareté qui la rendent unique à mes yeux. Elle est importante car elle me rappelle de bons souvenirs et croyez-moi, je n’en ai pas beaucoup.

Mon regard passe de l’objet à l’homme qui l’examine. Il est mignon à croquer mais ce qui m’interpelle le plus, c’est l’expression de son visage. C’est celui d’un homme passionné qui aime ce qu’il fait. Kwang avait lui aussi ce regard lorsqu’il nageait. La natation était toute sa vie, mais ce n’est pas elle qui s’est finalement mis entre nous.

Je quitte mes pensées lorsqu’il se tourne vers moi et me sourit. Il a un bien joli sourire pour un homme passionné. Le genre que je fuis habituellement mais il n’est pas ici pour moi mais plutôt pour cette antiquité, alors pour une fois, je vais me montrer raisonnable, n’est-ce pas ? Raisonnable et lucide.
« Je comprends. Prenez le temps qu’il vous faudra pour la réparer. C’est une vieille amie et elle mérite ce qu’il y a de mieux. »
Ma seule amie ? Pas tout à fait mais elle en a vu des choses depuis qu’elle est en ma possession. Ma chatte vient se blottir contre mes chevilles, attirant ainsi mon attention comme pour m’empêcher de dévorer ce jeune homme du regard. Elle connait bien mes vices et sait se montrer jalouse quand il faut. Je me penche pour la prendre dans mes bras et la câliner alors que l’horloger reprend la parole.
« J’aime son authenticité alors je vous fais confiance. Peu importante si vous devez revenir plusieurs fois dans l’année pour changer une à une chaque pièce qui sera tombé en panne. Je préfère autant que possible qu’elle reste la même. »
Je parle d’elle comme si elle était une vraie personne. C’est certainement un indicateur de la grande solitude que je ressens alors même que mon appartement et ma vie sont remplis de monde.
« Est-ce que je peux vous offrir un rafraîchissement ? Du thé glacé peut-être ? »
Ma gouvernante m’en prépare toujours même si j’aime en général agrémenter celui que je me sers avec de la vodka. Ceci étant dit, celui que je lui servirai sera neutre. Après tout, il ne faudrait pas qu’il ait l’esprit embrumé par de l’alcool. Son travail est délicat et je tiens à ce qu’il le mène jusqu’au bout, comme il faut. Déposant ma précieuse princesse au sol, je la laisse aller se frotter contre notre invité alors que je me tiens prêt à lui rapporter quelque chose à boire.

Il aurait été très fier d'être le créateur de cette magnifique horloge. À l'époque, les artisans étaient de vrais génies. Certains ont fait des choses à des périodes où la technologie n'existait pas encore au point de ce qu'ils connaissent aujourd'hui. On vénère le créateur d'Apple, en oubliant que chacune de ses créations n'est qu'une évolution d'une chose déjà existante avant... Bref. Il écoute le client lorsqu'il reprend la parole. « Évidemment ». Il est le mieux placé pour comprendre cette phrase. Chacune de ses créations est unique, et chacune d'elle a une place très spéciale pour lui, même s'il finit toujours par les vendre. Et certains objets en sa possession sont des trésors dont il souffrirait beaucoup s'il devait les perdre. Alors, oui, il mettra tout le soin qui est le sien pour réparer cette très belle dame. Un nouvel élément vient perturber leur discussion rompant ainsi le regard très intense du client sur l'horloger. L'homme baisse les yeux pour regarder l'animal qui entre en scène. Un chat. Kitti sourit un peu, attendrit. Min Jun reprend la parole et il l'écoute avant de dire : « Parfait alors, si nous voyons les choses de la même façon tout se passera bien. Il me semble donc peu probable que je puisse terminer aujourd'hui, du coup, sauf à lui mettre des pièces temporaires le temps des réparations de ses pièces si elles sont cassées ». Kittipat recréé des moules, et fait fondre les pièces pour qu'elles retrouvent leur forme d'origine.

Il est plutôt satisfait de voir que le client est un connaisseur, mais surtout qu'il sera assez patient pour lui permettre de préserver la richesse de son bien. Kittipat aime ça. Ce sont ses meilleurs clients. Il finit par dire : « Vous savez vous entourer de jolies choses ». Il marque une pause, désigne le chat qui vient s'enrouler tout de ses jambes et se rend compte de ce qu'il vient de dire. « Enfin, ce n'est qu'une expression, j'imagine qu'il sait bien vous rappeler qu'il est bel et bien vivant... ». Il sourit amusé en regardant l'humain et l'animal. Puis, à sa proposition, il répond : « Non merci, mais c'est gentil de proposer ». Il s'incline légèrement avec respect, et se redresse regardant l'animal reposé au sol qui s'approche pour se frotter contre ses jambes. Il s'accroupit et avec une infinie douceur laisse le chat sentir la main qu'il tend et caresse sa tête s'il se laisse faire.

Il se redresse finalement, et commence à préparer ses outils, ayant en tête que le client est prêt à observer ses gestes. Il n'est pas nerveux, il sait ce qu'il fait. Il ouvre l'horloge quand tout est prêt. Chacun de ses gestes est mesuré et doux, il ne force pas le bois, s'assure que la porte tiendra ouverte, puis jette un œil à ses mécanismes, d'abord comme ça, puis avec ses lunettes grossissantes. Il commence l'inspection, dépoussière à coup de pinceau chaque pièce pour les observer, et essayer de trouver ce qui ne fonctionne plus. Un murmure lui échappe alors qu'il est concentré sur sa tâche : « Eh bien alors ma jolie, qu'est-ce qui ne va pas... ». Kittipat se dit parfois qu'il est né à la mauvaise époque.

Je souris lorsqu’il me fait remarquer que j’aime m’entourer de jolies choses. Je sais les apprécier et je n’hésite pas non plus à en profiter dès que possible. Après tout, la vie est trop courte pour ne pas en apprécier chaque instant, chaque saveur. Surtout si ça peut me sortir de la solitude dans laquelle je me suis enfermé depuis ma dernière rupture avec Kwang Soo. Les amants éphémères ont l’avantage de me la faire oublier pour un temps, sans que je prenne le risque de m’attacher à nouveau. Je l’ai fait une fois et on ne m’y reprendra plus. Je préfère avoir le mauvais rôle, celui qui brise les cœurs, plutôt qu’être celui qui finis le cœur brisé.

Un léger rire m’échappe en l’écoutant parler de mon chat.
« Oh oui. Elle sait me rappeler qu’elle est bien vivante et que c’est elle qui commande. »
D’ailleurs j’ignore toujours comment elle a réussi à s’introduire un jour dans mon appartement, pour ne plus jamais en repartir. Elle est finalement ma seule compagne et restera en quelque sorte la seule femme de ma vie puisque je n’aime que les hommes.

Comme il ne veut rien boire, je me contente de m’installer pour le regarder travailler. Il est délicat et professionnel. Ses mains sont également habiles et je ne peux pas m’empêcher de les imaginer se promener contre ma peau. Cela pourrait être agréable même si pour le moment je n’essaie pas encore de le séduire. Après tout, il ne faudrait pas qu’il prenne peur avant d’avoir fini de réparer mon horloge.

Je reste assis dans mon fauteuil sans bouger, sans rien faire d’autres que le regarder travailler. J’en profite pour observer le mouvement de ses doigts et l’expression de son visage. Il est agréable à regarder et je n’ai de toute façon rien d’autre à faire. Le temps passe, sans que je ne m’en rende vraiment compte. Lorsqu’il semble avoir terminé, je m’approche de lui et lui demande :
« Est-ce qu’elle va fonctionner ou bien vous avez besoin de repasser ? »
J’aimerais qu’il me dise qu’il reviendra et très vite. Cela me laissera l’occasion de réfléchir à comment prolonger notre prochaine rencontre mais également comment l’attirer dans mes filets.

Le client d'aujourd'hui est plus que séduisant. Et il dégage quelque chose de vraiment très particulier. Quelque chose que Kittipat ne parvient pas à identifier et qu'il ne pourrait probablement pas expliquer. Lorsqu'il signale qu'il sait s'entourer de jolies choses, le client sourit. Et il rit un peu quand il précise son propos pour le chat, qui est un être vivant et pas une chose. Min Jun répond que lui, elle sait se rappeler à lui et lui signaler que c'est elle qui commande. Kittipat sourit amusé. « Le commandement, l'une des spécialités des chats à ce qu'on dit ». Il ne peut s'empêcher de sourire amusé. Après une caresse offerte à l'animal qui s'approche de lui, il se met à travailler sous le regard de son client.

Kittipat n'est pas nerveux, il connaît son boulot. Et comme le propriétaire de cette très belle dame ne veut pas la changer plus que nécessaire, il comprend bien qu'il pourra prendre son temps pour la maintenir à l'identique autant que possible. Avec soin, il inspecte le mécanisme, le découvre, n'a pas trop de mal à bien le comprendre, puis, il commence à faire des tests, pour voir ce qui ne fonctionne pas, avant d'examiner chaque pièce. Il travaille avec précaution, mais silence, pour être sûr de ne rien louper. Lorsque finalement, il se redresse, son client s'approche et l'interroge. Il sourit un peu et lui montre un petit plateau en bois dans lequel il a déposé quelques pièces qui semblent abimées, l'une d'être est un peu tordue. « Je vais commencer par ces pièces-là. Je vais en faire des empreintes afin de pouvoir faire fondre le métal et le remouler correctement, puis, je remonterai le mécanisme. Si cette petite pièce tordue n'est pas le problème, alors nous verrons pour une nouvelle auscultation ». Il sourit un peu. Il va ouvrir son sac, pour placer le plateau dans son coffret d'origine, et déposer par-dessus un carré de mousse afin de protéger les pièces.

Il referme le coffret et le dépose dans ses affaires, puis il se redresse et regarde Min Jun. « Il faudra que je repasse, pour replacer les pièces et remonter l'ensemble du mécanisme ». Il sort son téléphone, pour ouvrir son agenda. « Avez-vous des disponibilités la semaine prochaine ? ». Il se laisse tout de même le temps de faire fondre les pièces et de les remouler. Parce qu'il a d'autres petites choses à faire et d'autres produits à réparer également. Il regarde son client, avec un air calme et professionnel.

Il prend le temps de m’expliquer ce qu’il compte faire pour réparer mon horloge. J’avoue que son air passionné le rend irrésistible, au point que je regrette de ne pas pouvoir le retenir plus longtemps. Malheureusement ce n’est pas comme si je pouvais lui faire du rentre dedans et me montrer trop direct. Je risquerais de l’effrayer et je ne peux pas me permettre de le faire fuir, pas avant qu’il ait réparé ce souvenir qui m’est cher.
« La semaine prochaine ? Le temps va me paraitre bien long. »
Un soupir m’échappe avant que je ne me reprenne, esquissant au passage un sourire avant de prendre mon téléphone portable pour y inscrire notre rendez-vous :
« Je n’ai aucun engagement en particulier alors ça sera à votre convenance. »
Une fois le rendez-vous pris, je me permets de le questionner davantage sur son métier, espérant ainsi gagner quelques minutes en sa compagnie :
« Dîtes-moi, vous ne faites que réparer les horloges ou bien vous en fabriquer ? Vous en vendez peut-être ? »
Parce que s’il possède une boutique, en plus d’un atelier de réparation, je pourrais peut-être lui rendre une petite visite surprise bien avant notre prochain rendez-vous. Et qui sait ? J’aurais peut-être l’occasion de discuter plus longuement avec lui ?

L'horloger n'est pas dérangé par la présence de son client, ni par le fait qu'il observe. Il travaille avec soin et minutie, dans le silence pour être sûr de ne rien louper. Il démonte finalement quelques pièces et explique ce qu'il va faire, ce qui semble lui convenir. Il prend le temps de sécuriser les pièces, puis une fois le coffret refermé, il sort son téléphone pour prendre rendez-vous. Min Jun semble attristé de devoir attendre, alors il lui dit : « J'aimerais être sûr d'avoir le temps de finir avant, mais je préfère ne pas avoir à décaler le rendez-vous ». Cela lui semble plus professionnel. Néanmoins, il peut comprendre que cela lui semble long. Quand quelque chose que l'on aime est brisé, c'est difficile d'attendre. Il ne le regrettera pas, donc Kittipat n'est pas inquiet.

Comme il n'a aucun engagement, Kittipat à toute liberté pour réussir à caler le rendez-vous et pour ne pas trop le faire attendre, il cale ça en début de semaine pour ne pas trop espacer les rendez-vous. Il esquisse un sourire une fois son emploi du temps rempli et range son téléphone.

Min Jun en profite pour lui demander des précisions sur son métier. Kittipat sourit un peu. « Nous en fabriquons également. Des horloges, des montres, et quelques automates également ». C'est une tradition familiale chez les Saetan l'horlogerie. Il sort son portefeuille et en sort une carte de visite qu’il lui tend. Sur celle-ci, le nom de la boutique, qui indique que c'est une boutique familiale, le numéro de la boutique, ainsi que son nom et ses coordonnées professionnelles, en cas de besoin. « N'hésitez pas à passer nous voir, vous pourriez peut-être trouver des choses qui vous plairont ». Puisqu'il semble aimer les vieilles horloges, peut-être bien qu'il appréciera certaines de leurs montres.

Je l’interroge sur son activité professionnelle, espérant gagner un peu de temps mais également récolter des informations qui me permettront de le revoir plus facilement et surtout avant notre prochain rendez-vous. Il m’explique qu’il fabrique toutes sortes de choses et mon attention s’arrête sur les automatiques. Je prends la carte de visite de sa boutique qu’il me tend, l’observant avec attention avant de lui répondre :
« J’ignorais qu’on fabriquait encore des automates. Je passerais à l’occasion. Je suis curieux de découvrir votre boutique et tout ce que vous y proposez. »
Ce serait l’occasion pour moi de flirter un peu avec lui s’il est seul et surtout de l’inviter à nous revoir dans un cadre moins formel. Nous pourrions par exemple prendre un verre après ses heures. L’idée me fait sourire et je la garde pour plus tard.
« Vous me la ferez visiter à l’occasion ? »
Je souris tout en le raccompagnant. J’aimerais le retenir, le plaquer contre un mur et découvrir la saveur de ses lèvres mais il est encore trop tôt pour ça. Après tout, comment ferais-je avec ma vieille horloge si je venais à l’effrayer ? Je n’ai plus qu’à me montrer raisonnable, même si ce n’est pas dans ma nature de l’être. Ce n’est de toute façon que temporaire.

Kittipat prévoit un rendez-vous assez éloigné pour s'assurer d'avoir terminé et de ne pas devoir repousser le rendez-vous. Il n'y a rien de plus agaçant que ça. Alors il préfère se laisser le temps de traiter les choses. Et il répond à la question de Min Jun. Oui, ils fabriquent des horloges, tout comme ils font des montres et des automates. C'est une tradition familiale, même s'il est plus à l'aise avec les automates que ne l'est son père. Il s'étonne sur la question des automates, justement. « C'est de plus en plus rare, mais il reste encore quelques artisans qui en produisent ». Et lui, il aime discuter avec ces artisans, même si cela lui a demandé d'apprendre l'anglais pour cela. Il entend la question de son client et sourit un peu. « Eh bien vous savez où à la trouver, à présent. Et si vous vous déplacez, je crois bien qu'une visite sera incontournable ». Même si cela sera vite fait. Leur local n'est pas immense. Cela vaut quand même le détour et le coup d'œil.

Il se laisse raccompagner, et après les dernières politesses d'usage, il rentre à la boutique. Kittipat a d'autres commissions à terminer, mais il n'en oublie pas celle de Min Jun. Son client lui a fait une forte impression, mais ils sont rester professionnels et cela lui a plu.

Comme parfois, il porte un harnais, même si celui-ci s'apparente plus à un bijou qu'autre chose, car il ne repassera pas par chez lui avant de sortir. Son père n'est pas à la boutique, et il n'attend pas de client, hormis des visiteurs impromptus, cela ne devrait pas poser de souci. Sous sa veste noire, il porte une chemise en dentelle qui laisse entrevoir le métal contre sa peau. Heureusement, elle est cachée par son tablier.

Lorsque la porte s'ouvre, faisant tinter la clochette, il lève les yeux. C'est le client pour lequel il doit reprendre les rouages qu'il a prélevé et les reforger. Il esquisse un sourire, et lui dit : « Bienvenue ». Il vient honorer sa curiosité en entrant dans la boutique alors que leur prochain rendez-vous n'est que dans quelques jours. Il sourit et s'avance vers lui. « Comment allez-vous ? ». Il lui offre un sourire chaleureux et attend la réponse avant de lui proposer une visite, même s'il peut déjà embrasser la boutique d'un regard.