Mafia, corruption, scandale, pédo-criminel, traite humaine… Il n’y a qu’à choisir son sujet et si on est un journaliste pas trop mauvais, on est presque sûr de tenir un scoop. La Thaïlande est un pays formidable pour ça. Voilà pourquoi j’ai décidé d’étendre l’influence de mon journal jusque dans ce beau pays qui a besoin qu’on lève au grand jour la boue qui souille ses rues. Si les autorités ne sont pas capables de le faire, c’est à la presse que revient ce rôle. Bien sûr je ne suis pas arrivé ici en conquérant, tel un colonialiste. C’est un ami journaliste thaïlandais qui me l’a demandé comme une faveur après avoir été licencié pour avoir fait son travail. Et comme je ne supporte pas l’injustice, j’ai décidé qu’il était temps qu’on fasse un peu le ménage à Bangkok.

Mes bureaux sont presque prêts et mes employés commenceront le mois prochain. J’attends toujours que mon fidèle assistant se décide à quitter Mokpo pour me rejoindre et puisque je n’ai plus grand-chose à faire que régler quelques formalités, j’ai décidé de commencer à fouiner un peu ici et là. C’est comme ça que j’ai rencontré ce garçon. Livai… un prénom peu commun mais qui lui va comme un gant. D’ailleurs si on me demandait mon avis à son sujet, je dirais sans hésiter qu’il ira loin, sauf s’il se fait descendre avant car il doit certainement avoir la langue aussi bien pendue que la mienne au même âge. C’est peut-être ce qui me plait chez lui. Sa fougue et sa jeunesse me rappellent la mienne… mais voilà que je parle comme un vieux !

Portant ma tasse de café à mes lèvres, j’en bois une gorgée avant de consulter ma montre. Il ne devrait plus tarder, si bien sûr il ne lui est rien arrivé… Sait-on jamais ? On ne s’attaque pas à un procureur corrompu sans risque mais heureusement pour lui je couvre en quelque sorte ses arrières. Si je reste sans nouvelle de lui pendant plusieurs jours alors je publierais mon article sur le procureur Go. Je suis finalement en quelque sorte l’assurance vie de ce garçon et je trouve ça amusant d’être pour une fois dans ce rôle et pas sur le terrain à prendre tous les risques. N’est-ce pas un signe que je vieillis ? L’idée m’amuse quant à ma crise de la trentaine, elle est finie depuis bien longtemps.

ODTAujourd'hui, c'est, un jour, plutôt banal pour Livai, oui, il ne prend aucun client, et il a réservé sa journée à un coréen qui vient d'arriver en Thaïlande, un journaliste qui lui donne un petit coup de main. Prenant le bus parce que oui, on ne peut pas toujours prendre le taxi sinon on va finir par manger que des pâtes. Regardant le paysage défiler devant ses yeux et les personnes entrer et descendre du véhicule, il pousse un léger baillement alors qu'il pose sa tete contre la vitre. C'est en quelques secondes qu'il s'endort, bercé par la douce musique qu'émettent ses écouteurs, le blond ne se réveillera qu'au terminus lorsque le chauffeur va lui dire de descendre. Merde.... il a loupé son arrêt..... Poussant un large soupir et une insulte, il ne tarde pas à donner un coup de pied dans le premier détritus qu'il voit.

Utilisant son GPS, il constate qu'il a au moins pour une bonne demie heure de marche. Merde, fait chier.... Poussant un autre soupir, il ne tarde pas à se faire les poches, trouvant une pièce, il la regarde puis regarde le mec en face de lui qui lui fait la manche. Bon, ce n'est pas avec ça qu'il pourra prendre le taxi alors autant faire une bonne action non ? S'approchant doucement de lui il lui tend la pièce et reprend sa route. Marchant plus ou moins rapidement il gagnera 8 pauvres minutes sur l'estimation de Google.

C'est presque essoufflé et avec pas mal de retard qu'il pousse les portes du café, balayant la salle du regard, il ne tarde pas à trouver son fameux contact. Lui faisant un signe de la main, il s'avance vers lui avant de se laisser tomber sur la chaise. Reprenant d'abord son souffle et surtout essayant de ne pas dire de la merde, il joint d'abord ses deux mains et s'excuse pour son retard avant de reprendre la parole et de lui lancer.

"Tu as trouvé quelque chose à son sujet ?"

Levant les yeux vers la serveuse lorsqu'elle lui demande s'il veut boire quelque chose, c'est sans hésiter qu'il commande un thé glacé alors qu'il n'a absolument rien pour le payer.

Il est en retard mais ce n’est pas un problème. Dans mon métier, on apprend à se montrer patient, surtout avec ce genre de source. De toute façon je n’ai pas d’autres engagements alors je ne suis pas pressé. D’ailleurs il ne tarde pas à pointer le bout de son nez. Je souris à son signe de la main et le suit du regard alors qu’il s’approche de moi. Il se laisse tomber dans une chaise et s’excuse pour son retard tout en reprenant son souffle. Je me contente de lui répondre un :
« Ne t’en fait pas pour ça. J’ai juste eu peur qu’il te soit arrivé quelque chose. »
Il ne manquerait plus que ça. Et le pire dans tout ça c’est que j’aurais trouvé le moyen de m’en vouloir. Après tout, il n’est qu’un gosse et moi, je l’utilise d’une manière ou d’une autre. Lui aussi m’utilise à sa façon. C’est ce qu’on appelle un arrangement mais je ne suis pas certain qu’il comprenne réellement dans quoi il s’embarque.

Lorsqu’il me questionne, je ne lui réponds pas immédiatement. La serveuse vient de nous rejoindre et Livai lui commande un thé glacé. De mon côté, je lui demande un autre café avant de tourner mon regard vers le jeune homme installé à ma table :
« Si tu veux prendre quelque chose à manger, n’hésite pas. C’est moi qui t’invite. »
C’est le moins que je puisse faire pour lui. Une fois la serveuse partie avec nos commandes, je m’installe plus confortablement dans son siège et reprends :
« Avant que je ne te révèle ce que j’ai appris sur ce gars, j’aimerais être certain que tu sais dans quoi tu t’embarques. Ce gars n’est pas juste un procureur corrompu qui touche des pots de vin. Il travaille avec la mafia. L’une des mafias de Bangkok. Livai, ça pourrait être dangereux pour toi. »
Et moi ? On peut dire que j’ai l’habitude de ce genre de sale histoire. C’est même ma raison de vivre.

ODTEst-ce qu'il est soulagé lorsqu'il lui dit l'inviter ? Oui, au moins, il n'aura pas à faire pitié, hochant la tête, il ne tarde pas à rajouter une gaufre à sa commande. Remerciant la serveuse avec un grand sourire, il ne tarde pas à reporter son regard vers Christopher et le moins que l'on puisse dire, c'est que ce qu'il entend ne lui plaît pas. Poussant un petit soupir parce qu'il se retient de montrer son mécontentement, il ne tarde pas à planter son regard dans celui de son interlocuteur et de répondre.

"Et tu crois que ce que vit Minho n'est pas dangereux ?"

Il n'y a aucune agressivité dans ses paroles, son ton est calme même si au fond de lui, il aimerait s'énerver, mais à quoi bon ? Le journaliste n'a pas à s'en prendre pleins la figure, car Livai n'a pas réussit à protéger son ami. S'apprêtant à reprendre la parole, il est interrompu par la serveuse qui vient ramener la commande et c'est comme un enfant de dix ans qu'il dit rien et qu'il mange sa gaufre. Pendant quelques minutes, il se contente de manger, oui, il a la dalle et cet encas tombe à pic.

"Du coup ? Qu'as-tu découvert ?"

Parce que oui, ils ne sont pas là pour manger tranquillement et repartir, leur rencontre a un but bien plus sérieux que ça. S'essuyant la bouche, il plante son regard dans le sien dans l'attente de sa réponse. Espérons qu'il a du neuf et qu'il pourra aider Livai à obtenir ce qu'il souhaite.

Sa réponse ne devrait pas me surprendre. Livaï est aussi déterminé qu’inconscient du danger qu’il court mais qui suis-je pour l’empêcher d’aller plus loin ? Dans un sens, j’étais pareil à son âge et quand on regarde bien, je ne m’en suis pas trop mal sorti alors qui sait ? Peut-être qu’il sera plus prudent que je ne le crois et qu’il pourrait en sortir grandi de tout ça.

La serveuse revient avec nos commandes et l’espace d’un instant, je vois Livaï rajeunir de dix ans. On dirait un gamin, heureux de manger son goûter. Mais peut-être que c’est le cas. Que ce n’est qu’un gosse qui a dû grandir trop vite. Encore une fois ça devrait me retenir de l’envoyer dans la gueule du loup mais si je ne l’aide pas, qui le fera ? Il risquerait de foncer tête baissée et ça pourrait être pire. Au moins je peux l’avoir un peu à l’œil et limiter la casse. C’est en tout cas ce que je me dis pour me donner bonne conscience.

Lorsqu’il a terminé de manger, il reprend la parole en m’interrogeant sur ce que j’ai pu trouver sur Go Min Hyuk. Un soupire traverse mes lèvres alors que je lui tends une enveloppe contenant quelques clichés compromettants qui ne me seront d’aucune utilité.
« Je n’ai rien trouvé que je puisse exploiter par contre, ça pourrait peut-être t’aider. Apparemment Go Min Hyuk n’est pas tout à fait ce qu’il prétend être. Il semble avoir un goût prononcé pour les hommes. Ce n’est pas un crime et en soit, ça ne m’intéresse pas vraiment mais il a l’air de tenir à son petit secret alors peut-être que tu pourrais en tirer quelque chose. »
Je le laisse prendre l’enveloppe avant d’ajouter :
« Par contre sois très prudent. Faire chanter un procureur qui bosse avec la mafia, c’est très dangereux. Alors assure-toi d’obtenir des preuves de sa corruption pour que je puisse te protéger. »
Dans le cas contraire, il restera intouchable.