Je lui avais pourtant dit de ne pas s’impliquer de près ou de loin à tout ce qui touche à la mafia locale. Rare sont les flics qui osent le faire et à raison. Je suis bien placé pour savoir ce qui arrivent aux gens un peu trop curieux. L’ironie du sort fait que c’est à cause de moi s’il a des ennuis. Après tout, j’ai joué mon rôle d’informateur jusqu’au bout en prévenant la famille qu’un flic se montrait un peu trop curieux à leur sujet. Ça n’avait rien de personnel car au fond, je l’apprécie ce gars et j’espère qu’ils ne lui ont pas fait trop de mal. Il a juste besoin d’un petit avertissement pour apprendre où est sa place. Rien de plus. Alors j’espère vraiment qu’ils n’y ont été trop fort avec lui. Est-ce que je m’inquiète pour lui ? Bien sûr. C’est drôle. C’est presque l’hôpital qui se fout de la charité.

Après l’avoir cherché pendant près d’une heure, je vois une silhouette familière se dessiner dans l’obscurité d’une ruelle déserte. Un clochard ? Un drogué ? Non, c’est lui. Je me précipite vers Hsiao-Chun qui de prime à bord, à l’air dans un sale état. Je vérifie s’il respire toujours et je constate avec soulagement que c’est le cas. Inévitablement un sourire se dessine sur mes lèvres alors que je commence à le secouer doucement pour le réveiller :
« Hey ! Mec réveille-toi. C’n’est pas l’heure de dormir ici. Faut qu’on file. On est encore sur le territoire des Saelu. »
On en est à la marge mais c’est un détail. Plus vite on s’éloignera du centre, mieux ça vaudra pour lui.
« Viens, je vais t’aider à te relever. Je t’emmène chez moi pour te soigner. »
Pas l’hôpital, ça attirait l’attention et je n’ai pas vraiment envie qu’on sache que c’est moi qui suis venu lui prêter main forte, même si je pourrais toujours dire que c’est pour le bien de ma couverture. Mais j’aimerais éviter qu’on pense que j’ai des remords de l’avoir balancer ou que je le trouve suffisamment sympathique pour faire un truc aussi stupide.

Do Hwan m'avais prévenu que cela risquerait de mal finir pour ma pomme si je continuais à fouiner dans les histoires de la famille Saelu. Ce n'était pas de ma faute si leurs actes étaient contre la loi. Mon boulot en tant que policier était d'assurer la sécurité de la population et autant dire que les gangs qui grouillaient dans Bangkok étaient une entrave à mes yeux. Oh, je m'étais fait plusieurs fois taper les doigts par mon supérieur pour avoir agis tout seul dans mon coin. Cette fois-ci, j'avais visiblement trop tenté le diable. Alors que je faisais une ronde, quelqu'un m'avais assommé par derrière et je m'étais réveillé dans une pièce qui ne devait pas avoir été habité durant des années. Je n'étais cependant pas seul, trois personnes aux visages dissimulés étaient présentes. Naturellement, ils ne m’avaient pas enlevé pour jouer à la dinette. C'était un avertissement. Mais j'étais con jusqu'au bout et je leur avais tenu tête. Cette dernière leur avait servi de punching-ball jusqu'à ce que celui qui me frappait se lasse. Ils avaient alors approché une table de là où j'étais assis et obliger à poser mes mains dessus. J'avais tenté de toutes mes forces de me dégager sans aucun résultat. La douleur qui avait traversé tout mon corps lorsque mes mains s'étaient retrouvées en bouillis, m'avait fait perdre connaissance.

J'ignorais combien de temps mon corps s'était retrouvé dans cette ruelle, mais le retour à la réalité n'avait été que douloureuse. Je grimaçai lorsque quelqu'un se mit à me secouer.

- Putain Do Hwan !

Il ne voyait pas que j'étais mal en point ? Sérieux, si j'avais voulu piquer un somme ça n'aurait pas été dehors dans un lieu qui puait la pisse de chien. Avec l'aide de mon collègue, j'arrivais tant bien que mal à me mettre debout sans me servir de mes mains devenues inutiles, m'appuyant sur lui ensuite pour marcher.

- Faut qu'j’aille à l'hôpital, je ne doute pas de tes soins mais j'ai pas que des simples bleus

Pourquoi est-ce qu'il voulait m'emmener chez lui pour me soigner de toute façon. Do Hwan ne pourrait rien faire pour mes mains, j'avais besoin de l'aide de professionnel. Je ne tenais pas à rester infirme toute ma vie. Je sentais que mes kidnappeurs avaient aussi joué au foot avec mon corps évanoui, mes côtes me faisaient atrocement mal. J'avais l'impression qu'on me plantait des couteaux sur chaque parcelle.

- J'espère que t'es pas garé loin, je suis à deux doigts de perdre à nouveau connaissance...

Soufflais-je d'une petite voix, car je n'avais pas assez de force pour parler plus fort. Je trainais les pieds, lutant contre l'obscurité qui tentant de m'aspirer bien que cela serait bien plus reposant de se laisser aller.

Je grimace légèrement lorsqu’il me dit qu’il préfère aller à l’hôpital. C’est bien un flic pour dire ça et je ne dois pas oublier que j’en suis un moi aussi, alors je vais devoir porter mes couilles et me comporter comme tel. Il est hors de question que la culpabilité prenne le dessus sur le reste, sinon il pourrait comprendre, même si dans l’état dans lequel il se trouve, je doute qu’il puisse remarquer quoi que ce soit, mais sait-on jamais ?
« Ok ! Ok ! Je t’emmène à l’hôpital. T’as raison. Excuse-moi. C’est la panique. »
Ce qui est parfaitement compréhensible vu l’état dans lequel il se trouve, non ? Mon regard se pose inévitablement sur ses mains. Ils ne l’ont pas loupé mais je ne dois pas y penser, sinon je sens que je vais craquer sous la pression et je ne peux pas me le permettre. C’est une question de vie ou de mort.
« T’inquiète, elle n’est pas loin mais reste avec moi mec, ok ? »
Je le guide et l’aide à avancer jusqu’à ma voiture qui se trouve à quelques mètres de là. J’aurais dû la garer plus près. Quel idiot ! De quoi j’avais peur ? Et en même temps je ne savais pas quelle était sa localisation exacte.
« Raconte-moi ce qui s’est passé. Ça t’aidera à rester réveillé. Et je ne veux pas que t’arrête de parler, ok ? »
J’ai déjà vu des tas de gens mourir mais lui, je n’ai pas envie que ça lui arrive. C’est un flic, je ne devrais pas y accorder d’importance mais je crois que je me suis attaché à lui. J’ai beau savoir que tout ça n’est qu’un rôle que je suis sensé jouer, je n’en reste pas moins un être humain et forcément, même si je suis en infiltration, je finis tôt ou tard par m’attacher aux gens.

Après ce qui me semble être une éternité, nous arrivons enfin près de ma voiture. Je la déverrouille et ouvre la portière avant de l’aider à s’installer sur le siège passager. Je ne prends pas le temps de boucler sa ceinture. Je referme directement la portière et me dépêche de prendre le volant. Direction l’hôpital.

J'ignorais d'où me venait cette force qui me permettait de tenir encore debout. Je luttais quelque part pour ne pas faire qu'un à nouveau avec le bitume. Do Hwan devait m'emmener rapidement à l'hôpital, c'était une question de vie ou de mort. Même si je n'avais pas regardé l'état de mes mains suite à ce que mes ravisseurs avaient fait, je savais que c'était mauvais. Je ne les sentais plus, ou alors j'avais atrocement mal en essayant de bouger un doigt. Par chance, ils n'avaient pas eu l'idée de me les couper pour s'en servir comme petit déjeuner. Cet enlèvement était uniquement un avertissement pour me dire que j'avais été trop loin. Seulement, même si j'étais dans un sale état, je n'avais pas eu peur. Au contraire, cette attaque m'avait donné encore plus envie de continuer d'enquêter. J'étais surement fêlé. Mon collègue était bien plus paniqué que moi d'ailleurs, de toute façon j'étais trop dans les vapes pour que mon esprit se rende complètement compte de ce qu'il venait de se passer.

- Huum...je suis vivant non ?

Rétorquais-je en riant ce qui m'avait voulu une quinte de toux et une grimace de douleur. Bordel, cela faisait tellement mal de rigoler. De marcher. Do Hwan avait intérêt de ne pas avoir garé son véhicule à l'autre bout de la ville. Comment il m'avait trouvé au fait ? Bah j'avais juste de la chance qu'il soit passé dans le coin, surement.

- J'peux que rester avec toi, j'suis pas en état d'aller bien loin mec

Rétorquais-je avec un ton légèrement taquin. Même dans un état affreux, je trouvais le moyen de blaguer. En même temps, c'était toujours mieux que de pleurer ou de s’apitoyer sur son sort. J'étais toujours en vie, c'était ce qu'il fallait retenir de cette histoire. Do Hwan me demanda d'ailleurs de raconter cette dernière.

- J'étais en train de faire ma ronde lorsque je me suis fait soudainement enlevé, comme dans les films ils m'ont mis un sac sur la tête...j'me suis réveillé dans une pièce qui avait pas dû servir pendant longtemps puis ces types ont commencé à me frapper au visage...J'dois ressembler à Quasimodo haha...

Je partais dans une nouvelle quinte de toux après avoir rit tout seul de ma connerie. Plus je parlais, plus le son de ma voix baissait, comme si j'étais sur le point de m'endormir. Je rêvais d'une bonne sieste sur mon canapé et d'un bon bain aussi. Je m'étais déconnecté un instant, laissant le silence s'installer entre mon collègue et moi. J'avançai par pure automatisme au même pas que Do Hwan. Je n'avais même finis de raconter ce qu'il s'était passé mais de toute façon, la voiture était enfin là. Je grimaçai de douleur en prenant place à l'intérieur. J'avais mal partout mais je me sentais plus en sécurité dans cette voiture que dans la ruelle où Do Hwan m'avait trouvé. Je tentais de garder les yeux ouverts, de voir défiler la lumière des lampadaires mais je finissais par perdre connaissance à nouveau alors que l'on se dirigeait vers l'hôpital le plus proche.

Mais où trouve-t-il encore la force de faire de l’humour ? Et de rire ? A sa place je serais anéanti, au bord du gouffre. Vraiment Zang Hsiao-chun est un homme exceptionnel. Il n’est pas comme les autres et c’est peut-être pour ça que je me suis attaché à lui au point d’être venu à son aide alors que je suis clairement responsable de ce qui lui arrive. Je m’en veux et je ferais tout pour me rattraper mais également pour qu’il n’apprenne jamais le rôle que j’ai joué dans ce qu’il vient de vivre.

Il me raconte ce qui lui est arrivé. En réalité je connais déjà toute l’histoire mais l’entendre de sa bouche me noue les entrailles, au point que je comprends désormais toute la difficulté d’une infiltration. Le plus difficile, ce n’est pas d’essayer de ne pas se faire prendre. Non, le plus dur est de ne pas fraterniser avec l’ennemi. On a beau essayer, il y a certains liens qui se créaient malgré tout et contre lesquels, on ne peut pas lutter.

Je souris quand il évoque Quasimodo. Il exagère et je ne tarde pas à le lui faire savoir :
« Ne t’en fait pas, tu pourras toujours draguer quand les médecins se seront occupés de toi. Ça en fera juste plus pour moi mais j’ai toujours eu plus de succès alors ça ne changera pas. »
Moi aussi j’essaie de faire un trait d’humour même si le cœur n’y est pas. La culpabilité me ronge beaucoup trop et je vais devoir faire attention pour ne pas me faire griller même si là tout de suite, c’est qui importe, c’est que je reste concentré sur la route tout en veillant à ce qu’il ne perde pas connaissance. Oui, je continuais à le faire parler jusqu’à ce qu’on soit à l’hôpital. Ensuite, les médecins feront le reste mais pour le moment c’est de ma responsabilité de le maintenir en vie, même si mon boss n’appréciera pas.
« Ils t’ont dit ce qu’ils voulaient ? Pourquoi ils ont fait ça ? »
Nous sommes presqu’arrivés à l’hôpital et mon cœur bat à cent à l’heure. Je suis à la fois inquiet pour lui, pour moi, pour les gens pour qui je travaille. Bref, c’est le bordel dans ma tête mais surtout je dois garder mon sang froid. C’est le plus important.

Je crois que je n’ai jamais conduit aussi vite de ma vie. D’ailleurs sans prendre le temps de me garer dans le parking, je m’arrête littéralement devant les portes des urgences en faisant tellement de bruit qu’on vient voir ce qui se passe et c’est tant mieux ! Plus vite il sera pris en charge, plus il aura de chance de s’en sortir.
« On y est presque. Ne t’en fait pas mec. Je serais là à ton réveille tout à l’heure. »
Ce sont les dernières paroles que je lui adresse alors que je le confie aux blouses blanches.

J'étais loin de me douter que la personne qui était actuellement en train de m'aider était en réalité complice de l'état dans lequel je me trouvais. Il ne me serait jamais venu à l'idée que Do Hwan était un pourri, car il était avant tout un ami aussi. Pourtant dans cette ville il fallait se méfier de tout et de tout le monde. Une simple ronde pouvait finir en sang sans avoir rien demandé. J'en étais la preuve vivante. Mais cette attaque n'allait pas me détruite. Je comptais bien garder la tête haute et continuer de plaisanter comme je le faisais déjà. Ce n'était pas de chance pour le gang qui m'avait attrapé, car loin de me démotiver, cela m'avait encore plus donné envie de me battre et de les mettre derrière les barreaux. Pendant quelques temps j'allai surement bien souffrir de mes blessures, et ne pas être capable d'aller travailler vu ce qu'ils avaient fait avec mes mains. Mon visage était simplement recouvert d'ecchymose, tout comme le reste de mon corps. Je devais avoir une tête affreuse à regarder.

- Tsss, tu n’as pas honte de dire ça à un blessé ?

Rétorquais-je. Do Hwan était en effet un très bel homme, je n'allai pas mentir là-dessus. Il avait assurément beaucoup de succès auprès de la gente féminine et masculine.

- C'est évident non ? Pour que j'arrête de fouiner haha mais j'ai pas dit mon dernier mot...Ce genre de chose me motive encore plus...!

Expliquais-je d'un ton bas mais assez fort pour que mon ami ait pu entendre. J'étais épuisé de parler, même si je savais que je ne devais pas m'endormir. Chose que je peinais à faire tellement j'avais mal. Heureusement, on avait finit par arriver et c'était à moitié dans les vapes que je me retrouvais sur un brancard. On m'avait branché une perfusion avant de me conduire dans une salle. Pour le reste, je n'en savais pas plus car ce fut le véritable trou noir. Je m'étais réveillé plus tard dans une chambre, le bip d'une machine près de moi. J'avais toujours une perfusion dans le pli du coude car mes mains étaient bien trop enveloppées dans des bandages. J'avais aussi des pansements sur mon visage là où on m'avait fait des points de sutures. Où était Do Hwan ? J'avais soif. Mais je ne pouvais pas attraper la carafe avec les mains transformé en moufle.

- Do Hwan ?

Ma voix était un peu enroué et je peinais à tourner la tête pour regarder autour de moi.

Je suis inquiet pour Hsiao. Autant pour son état physique que pour la suite. On dirait qu’il n’est pas près de renoncer à fouiner partout. C’est d’ailleurs ce qu’il me dit avec une assurance qui contraste avec son piteux état. J’aimerais l’engueuler, lui hurler d’arrêter, que ça finira par le tuer. D’ailleurs j’ai peur que ce jour-là, ce soit moi qui sois contraint de lui tirer dessus. Comment ça a pu arriver ? Ce n’était qu’une mission d’infiltration, je n’étais pas sensé m’attacher aux gens et surtout pas à un flic comme lui. Tout ce que je peux espérer c’est qu’il finisse par se calmer.

C’est avec anxiété et impuissance que je regarde les blouses blanches emporter Hsiao. Une fois seul dans le couloir, je retourne à l’entrée des urgences pour garer correctement ma voiture dans le parking visiteur. Je retourne ensuite dans la salle d’attente pour y passer de longues heures en enchainant les cafés jusqu’à ce qu’on m’annonce que mon ami a été placé dans une chambre et que je peux lui rendre visite.

Après avoir rejoint sa chambre, je reste un instant dans l’entrée jusqu’à le voir bouger. Il a l’air de se réveiller. Je l’observe et ne réagit vraiment qu’en entendant mon prénom être prononcé. Immédiatement, je m’approche et lui demande d’une voix qui se veut douce :
« Je suis là. Alors comment ça va mon vieux ? »
Je m’assois au bord du lit, à côté de lui. L’observant avec une pointe de culpabilité, en particulier ses mains bandées.
« Les médecins ont dit que tu avais besoin de repos. J’ai prévenu le commissariat aussi. Tout à l’heure des inspecteurs passeront t’interroger pour savoir exactement ce qui s’est passé. »
Mais il y a peu de chance pour que quelqu’un soit arrêté. Après tout, nous savons tous que la mafia est quasi intouchable et que ceux qui mèneront l’enquête n’auront pas envie de se retrouver dans le même état que mon partenaire.
« Tu veux que je prévienne quelqu’un ? Tu as besoin de quelque chose ? »
Il n’y a pas que la culpabilité qui me fait rester. J’apprécie sincèrement Hsiao.

Certains diront que je l'avais bien cherché de me retrouver dans un tel état. Que j'aurai dû laisser tomber et simplement fermer les yeux comme les autres flics. Mais je n'étais pas comme eux, je ne pouvais pas vivre dans le mensonge et encore moins sans aucune culpabilité. Si la mafia Thaïlandaise ne faisait que de construire des hôtels ou des maisons de closes j'aurai pu fermer ma gueule mais ce n'était pas le cas. Bon nombres d'affaires suspectes étaient liés à eux et je faisais de mon mieux pour trouver des preuves irréfutables. Évidemment, ça ne plaisait pas à mon patron et encore moins aux gangs. J'essayais tout de même d'enquêter discrètement mais qui sait si dans mes collègues il n’y en avait pas un qui avait osé me balancer ? Comment mes kidnappeurs savaient ils que je me trouverai là ?

Ils avaient réussi ces enfoirés à m'envoyer à l'hôpital. J'allai devoir rester tranquille durant quelques jours. Les coups que j'avais reçus me faisaient un mal de chien et je ne parlais même pas de la douleur sur mes mains. Heureusement, je ne les voyais pas mais je me souvenais très bien du bruit de craquement des os et des points noirs que j'avais vu avant de perdre connaissance. J'ignorais pourquoi ils ne m'avaient pas tué pour régler rapidement mon sujet. A moins que cela amusait leur patron de se faire courir après par un flic têtu ?

- Comme quelqu'un qui vient de se faire tabasser ?

Rétorquais-je avec humour. Je n'osai même pas imaginer la tronche que je devais avoir. J'étais content de voir que Do Hwan était toujours là. Il aurait pu partir après m'avoir déposé aux urgences. Il faudrait aussi que je prévienne mon meilleur ami avant qu'il ne fasse une syncope en me voyant ainsi.

- Comme si mon témoignage allait servir à quelque chose...

Je n'avais pas envie de répondre à des questions inutiles. Je n'avais même pas vu le visage de mes ravisseurs ni comment j'étais arrivé dans cette pièce vide. Ce que j’allai raconter n’allait rien ramener de nouveau. Une enquête allait être ouverte mais rapidement fermé au bout d’une semaine faute d’éléments. Je n’avais pas non plus de preuve que c’était des membres d’une mafia qui m’avait enlevé.

- Ouais de l'eau, j'ai la sensation d'avoir pas bu pendant des lustres...Je sais, avoir la voix rauque ça donne un côté sexy mais j'ai soif

Ma gorge était toute sèche et j'avais aussi un peu mal du coup quand je parlais. Sans compter que chaque respiration me faisait légèrement grimacer tellement ces enflures ne s'étaient pas retenus en me frappant.

- Ils ont pété mon portable aussi, je préviendrai plus tard...Merci d’être resté au fait

Heureusement que j'avais plusieurs téléphones chez moi et aussi que je sauvegardai tout sur le net. Je n’étais pas un bleu à me balader avec un portable avec tout dedans. Evidemment, je n’avais pas pu faire grand-chose entre les mains de mes tortionnaires. Ces derniers avaient tellement peur de moi qu’il s’en prenait aussi à mes affaires.

En entendant sa réponse, un faible sourire se dessine sur mes lèvres. Ma question était idiote mais je suis content qu’il s’en soit tiré même s’il est dans un sale état et même si je suis responsable de ce qui lui est arrivé. Jamais il ne devra l’apprendre et tout ce que j’espère, c’est que ça lui servira de leçon. Il doit arrêter de fouiller et de se mêler à des histoires qui ne le regardent pas. La mafia à Bangkok est bien trop puissante et il est seul. Ça finira forcément mal pour lui. Là, il a eu de la chance mais qui sait ce qui se passera la prochaine fois ?

Pour ce qui est de sa déposition, nous savons tous qu’elle ne servira à rien mais c’est une formalité nécessaire, pour donner l’illusion que le système marche et qu’il n’est pas corrompu. D’ailleurs peut-être que ça le fera réfléchir. Il sait que son combat est perdu d’avance alors à quoi bon se mettre davantage en danger ?

J’acquiesce quand il me dit qu’il a besoin d’eau. Il y a une carafe avec des verres sur une table dans un coin de la chambre. Je m’en approche et lui en sert un avant de le lui tendre :
« Bois, ça te fera du bien. »
C’est tout ce que je peux faire pour lui et ce n’est pas grand-chose au regard de ma culpabilité. D’ailleurs cette dernière grandit un peu plus lorsqu’il me remercie d’être resté. Si seulement il savait…
« De rien. C’est normal. T’es mon coéquipier, non ? Je resterais avec toi jusqu’à ce que tu en ais marre de moi et je reviendrais tous les jours après mon service, promis. »
Pour lui tenir compagnie mais aussi pour avoir bonne conscience car c’est le moins que je puisse faire.
« Est-ce que tu te souviens de ce qui s’est passé ? Tu as vu leur visage ? »
Ils ont normalement été prudents mais ça fait parti de mon boulot de m’assurer que tout est propre derrière eux et que Hsiao Chun ne posera pas de soucis après son passage à tabac. Quoique sur ce dernier point, je ne peux pas faire grand-chose. Têtu comme il est, je vais avoir du mal à le dissuader de lâcher l’affaire.

Lorsque Do Hwan m'avait tendu le verre d'eau mon regard était passé de lui au verre avant d'agiter mollement mes deux mains inutilisables actuellement. Ou en tous les cas elles étaient trop enveloppées par des bandages pour que je puisse m'en servir. J'espérais tout de même réussir à pisser tranquille après qu'ils aient changé les pansements pour quelque chose de plus petit. En tous les cas, la maladresse de mon collègue ne m'avait pas vexé et elle m'amusait d'ailleurs. J'aurai bien volontiers rigolé si je ne savais pas que j'aurai mal en le faisant.

- Désolé, on m'a mit des moufles aujourd'hui, il va falloir que tu prennes soin de moi

Déclarais-je avant de le laisser corriger sa bêtise. Heureusement, l'infirmière avait prévu une paille justement. Je ne voulais pas mourir étouffer en avalant de travers.

- Ah, je compte pas rester indéfiniment ici ! Je vais bien, enfin dans la limite de mes membres disponibles...!

Si je pouvais sortir tout de suite ça serait merveilleux mais je me doutais bien que l'hôpital allait me garder une nuit minimum en observation. Je pensais déjà à la galère de ma vie ensuite. M'habiller et tout ça allait s'annoncer compliqué. J'allai devoir trouver quelqu'un pour m'aider si je n'y arrivais pas seul. Est-ce que je devais embêter mon meilleur ami ? Ça m'ennuyait un peu d'être un fardeau.

- Je me souviens très bien de ce qui s'est passé malheureusement...Enfin je sais pas ce qu'ils ont foutu entre le moment où je me suis évanoui et que tu m'as retrouvé dans un tas de poubelles...!

C'était impossible d'effacer cette scène de ma tête à vrai dire. Je ne verrai plus un marteau de la même manière maintenant. Cependant, même si je n'avais pas vu le visage de mes ravisseurs, je ne comptais pas les laisser partir sans rien faire. Je devais retourner à l'endroit où je m'étais fait enlever et celui où Do Hwan était venu à mon secours. Ce dernier me connaissait d’ailleurs suffisamment pour savoir que je ne lâchais jamais une affaire, quitte à risquer ma vie parfois ou de m’attirer les foudres du patron.

- Je n'ai pas vu leur visage, ils étaient masqués...Tu n'as rien vu de suspect en arrivant ?

Demandais-je avant de lui faire signe que j'avais soif. J'en profitais un petit peu, ce n'était pas souvent que je me faisais dorloter.

- Au fait...comment tu as su que j'étais dans cette ruelle ?

Peut-être me l'avait-il déjà expliqué mais tantôt j'étais dans un état un peu second et c'était un peu flou d'ailleurs. Surement que j'avais dû dire des bêtises, un peu comme quand j'étais bourré.

Sur le moment je ne réalise pas qu’il ne peut pas prendre le verre. Je me rends compte de ma bêtise qu’après sa réflexion. Aussitôt je me confonds en excuse avant de me rapprocher pour l’aider à boire.
« Mais qu’est-ce que je peux être con parfois. Vraiment, je suis désolé. »
Et ça ne fait qu’augmenter la culpabilité que je ressens. Après tout, je suis en grande partie responsable de son état car même si ce n’est pas moi qui l’ai blessé, c’est quand même moi qui l’ai balancé. Et là, je suis encore en train de le trahir sans qu’il ne le sache puisque j’essaie de récupérer quelques infos supplémentaires afin de savoir si ceux qui l’ont passé à tabac ont commis des erreurs. Il ne faudrait pas que la bêtise de l’un d’eux, ne le conduise jusqu’au boss ou à l’un de ses lieutenants. Je sais à quel point mon co-équipier est perspicace. Un rien suffirait à le remettre en selle, voilà pourquoi j’écoute attentivement son récit, y cherchant des éléments qu’il pourrait exploiter plus tard.

D’ailleurs il ne tarde pas à me questionner. Ce moment, je l’ai un peu redouté, pourtant je m’y étais préparé.
« Je te cherchais. Un de mes indics m’a dit qu’il t’avait vu dans le secteur. Alors j’y ai été à l’instinct. J’ai eu beaucoup de bol de te trouver. »
C’est complètement faux mais crédible. Du moins, j’espère qu’il s’en contentera. De toute façon je ne tiens pas m’éterniser sur le sujet. C’est bien trop délicat pour ne pas dire dangereux. J’enchaine donc avec une question pratique :
« Tu vas faire comment tout seul chez toi avec tes moufles ? Tu as besoin que je joue les garde-malades ? »
J’esquisse un sourire taquin même si le cœur n’y ait pas. J’avoue que rester à ses côtés et l’aider dans sa convalescence m’aiderait à mieux dormir la nuit. C’est égoïste mais ainsi est fait ce monde.
« A moins que tu ne te sois déjà trouvé une jolie infirmière ? »

Je n'avais pas pu m'empêcher de rire suite à la réaction de mon collègue. Évidemment, ça m'avait valu une quinte de toux et une douleur aux côtes. C'était vraiment horrible de ne pas pouvoir rigoler sans avoir mal. Enfin, je ne pouvais pas en vouloir à Do Hwan de m'avoir fait rire, ce n'était pas non plus de sa faute si j'étais dans cet état.

- Je t'aime quand même tu sais

Déclarais-je après m'être remis de mes émotions. Cela faisait du bien de boire de l'eau aussi, tellement ma gorge était desséché. Cette sensation de pouvoir vider un lac entier.  Se faire dorloter était aussi assez agréable, je n'avais pas l'habitude étant donné que j'étais célibataire. Même si mon meilleur ami était aussi attentionné envers moi évidemment, mais pas non plus un serviteur. C'était malheureusement Do Hwan qui avait reçu ce rôle malgré lui. C'était une chance que celui-ci passait dans le coin, enfin c'était ce que j'avais imaginé avant de lui poser la question. Si je lui avais raconté mon histoire - ce qui au fond était inutile vu que je n'avais rien comme preuve même pas un petit tatouage. J'avais roulé des yeux en entendant qu'un collègue m'avait balancé. On ne pouvait même plus travailler sans être espionner. Je ne faisais rien de mal en plus, simplement une ronde.

- Ton instinct a vu juste du coup

Je devais une fière chandelle à mon ami, qui sait combien de temps je serai resté sinon dans ce tas de poubelle jusqu'à ce que quelqu'un me trouve ? Je serai peut-être  mort de mes blessures aussi ? Même si je n'avais subis que des coups et aucune blessure mortelle. La plus grave était celle sur mes mains...Quels salopards et idiots. A quel moment briser mes mains me donnerait envie d'abandonner mon objectif de faire tomber ces mafieux ?

- Ah j'espère quand même sortir d'ici avec un pansement mieux fait et pouvoir me servir au moins un peu de mes doigts...J’ai vraiment pas envie que tu viennes me la tenir...!

Un sourire en coin sur les lèvres, je taquinais aussi Do Hwan. Ce dernier n'avait pas besoin de venir jouer les infirmiers, je pouvais me débrouiller tout seul. Enfin, ça allait être compliqué surement de manger tout seul...

- Haha non pas encore mais je suppose que je vais devoir en trouver une qui me donnera à manger pendant quelques jours. Je ne veux pas t'embêter avec ça.

Je ne connaissais Do Hwan, et il aurait été capable de se proposer. Il avait d'autres choses à faire dans sa vie que de prendre soin d'un cas comme moi. Après tout, je ne pouvais m'en prendre qu'à moi-même de m'être fait enlever comme un débutant.

Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’a rien perdu de son humour, ni de sa bonne humeur. On aurait pu croire le contraire après ce qui lui est arrivé. D’ailleurs rien que d’y penser, j’en ai le cœur serré de culpabilité. Je ne suis pourtant pas du genre à avoir des états d’âme. En intégrant la police pour le compte de mes patrons, je savais très bien dans quoi j’allais m’embarquer. Je savais aussi que je ne pourrais jamais être proche de qui que ce soit. Alors je ne peux m’en prendre qu’à moi d’être si touché par ce qui lui arrive.
« J’espère bien parce que je n’ai franchement pas très envie d’avoir à te la tenir. »
Un rire m’échappe et pour un temps, je décide de mettre de côté mon anxiété et ma culpabilité pour profiter du moment présent et surtout du fait qu’il soit en vie, en dépit de ses mains particulièrement amochées.
« Je viendrais quand même te rendre visite chez toi, pour être sûr que tu n’as besoin de rien. C’est le moins que je puisse faire le temps que tu t’en remettes. Est-ce que tu sais déjà si tu retrouveras complètement l’usage de tes mains et si la rééducation sera longue ? »
Ce n’est pas très joyeux comme sujet, mais je suis curieux. C’est une info dont j’ai besoin, aussi bien à titre personnel que pour mon boss.

Je me pinçais les lèvres pour me retenir de rire car cela me faisait mal. Quelle idée de frapper quelqu'un après lui avoir détruit les mains, comme si ce n'était pas suffisant. Heureusement que Do Hwan était là, car surement que je serai en train de déprimer sinon. Je n'allai pas pouvoir reprendre le travail tout de suite et les journées s'annonçaient super longues du coup. J'étais tellement habitué à passer mon temps dans mon boulot que je ne savais pas faire quoi d'autre - encore moins sans les mains. J'avais encore mes jambes pour faire un peu de sport cela dit même si je devrais probablement me tenir tranquille quelques jours le temps que mes autres blessures guérissent. Je n'étais pas non plus suicidaire au point de pousser mon corps en dehors de ses limites.

- Je sais pas, surement des semaines voir des mois...j'imagine que le médecin ne va pas tarder à passer pour m'annoncer la bonne nouvelle

Tiens en parlant du loup, il venait de faire son entrée. Je n'étais pas fan des hôpitaux et je me retrouvais allongé dans l'un de ses lits. Le médecin avait salué Do Hwan avant de se tourner vers moi.

- M. Zang, je suis ravie de voir que vous vous êtes réveillé. Vous avez quelques bleus sur le corps et malheureusement vos mains ont subis de gros dégâts. Les os ont été brisés mais avec de la patience, ils pourront se re-soudre et vous pourrez récupérer au minimum 75% de leur capacité.

Il me tendit les radios effectuées lorsque j'étais inconscient. Je jetais rapidement un coup d'œil, n'ayant pas vraiment envie de songer à ce qui se cachait en-dessous ces bandages.

- Quand est-ce que je pourrais sortir ?

- Et bien, nous allons vous garder encore cette nuit en observation et si tout va bien vous pourrez sortir demain...Quelqu'un peut-il venir vous cherchez ?

Génial, encore du temps perdu entre ces quatre murs. Pour ce qui était de la personne...Je me tournais vers Do Hwan. Il connaissait déjà mon état et je n'avais pas envie que mon meilleur ami s'inquiète et prenne l'avion pour débouler ensuite dans ma chambre.

Il en a certainement pour des semaines voir des mois de convalescence. J’espère vraiment que ça lui servira de leçon. Qu’après ça, il arrêtera de mettre son nez dans les affaires de la famille. Il ne peut rien faire contre la mafia. Ici, elle est bien trop puissante et il est seul contre tous. Qui sait ce qui arrivera la prochaine fois ?

Nous n’avons pas vraiment le temps de nous attarder sur la question que son médecin entre. Je le salue puis m’écarte pour le laisser discuter avec Hsiao. La situation ne me rend pas très confortable mais au moins, j’aurais des nouvelles fraiches.

En entendant que ses mains ne pourraient retrouver que 75% de sa capacité, je ne peux pas m’empêcher d’avoir un petit pincement au cœur, bien que je ne laisse rien transparaitre sur mon visage. Je ne peux pas et puis je n’étais déjà pas sensé ressentir de l’amitié pour lui. Lorsque son médecin lui demande si quelqu’un pourra venir le chercher demain, Hsiao n’a pas besoin de dire quoi que ce soit, que je m’avance déjà d’un pas en déclarant :
« Je serais là. »
Même si je ne devrais pas autant m’impliquer.
« Je suis ton coéquipier alors compte sur moi. »
J’adresse un sourire à mon partenaire avant de saluer le médecin qui semble avoir fini de faire son rapport et d’échanger avec Hsiao. Une fois seul avec lui, je lui demande :
« Tu veux que je passe à ton appartement et que je te rapporte quelque chose ? »
Bien sûr, ça pourrait être l’occasion pour moi de jeter un coup d’œil à ses dossiers et de glisser quelques mouchards car je reste malgré tout un criminel infiltré auprès de la police et que trahir mon partenaire est inévitable.
« En tout cas, je vais rester avec toi encore quelques heures. Je n’ai rien de prévu alors tu vas devoir me supporter. »
Je tire d’ailleurs une chaise un peu plus près de son lit avant de m’y installer confortablement.

Je ne m'attendais pas forcément à une bonne nouvelle concernant l'état de mes mains. Je savais d'avance que j'avais eu de la chance de ne pas les avoir perdu totalement voir pire, finir amputer. Heureusement, ces tarés avaient bien fait leur job et normalement je devrais pouvoir utiliser mes mains un peu près normalement. Du moins, j'étais prêt à faire toutes les séances de kiné pour atteindre le maximum de leur capacité. Un flic qui n'avait plus ses mains était inutile et je n'avais pas envie de devoir rendre ma plaque pour trouver un autre job. Être policier, c'était dans mes gènes, ma passion et ma vocation. De toute manière, je ne comptais pas abandonner mon enquête même après ce qui venait de se passer. J'étais obstiné, ce n'était pas de chance et leur attaque me donnait encore plus envie de les faire descendre de leur trône sale.

Do Hwan était heureusement là pour m'aider et c'était naturellement que mon collègue s'était proposé pour me ramener demain si tout allait bien. Je lui lançai un sourire reconnaissant - loin de me douter que c'était de sa faute si j'étais dans ce lit. Je me sentais aussi un peu mal de le déranger mais à par lui je n'avais pas grand monde dans le coin pour m'aider dans cette épreuve.

- Parfait, vous signerez donc les papiers demain monsieur

Le médecin nous salua avant de quitter la chambre. Je poussai un soupir, entre le soulagement de sortir rapidement d'ici et le désespoir sur mon état qui allait m'empêcher de vivre normalement pendant quelques temps. Être handicapé temporairement, je n'aurai jamais cru que cela m'arriverait. J'imaginais sans mal mon supérieur me dire que c'était bien fait - dans le sens que si j'avais arrêté d'enquêter dans mon coin cela ne serait jamais arrivé. C'était bien là le souci, à par moi personne ne s'occupait des mafieux.

- Hum...Il faudra me ramener des affaires propres...Mes clés doivent être dans la poche de ma veste

Si ces fous furieux ne me les avaient pas prises. Mais pour en faire quoi ? Voir ce que j'avais chez moi comme document à leur sujet ? Je n'étais pas fou pour imprimer des trucs, tout était sur une clé usb finement cachée. Je regardais surement trop de film policier pour finir aussi paranoïaque mais on n’était jamais sûr de rien avec la mafia. La seule chose visible était le panneau dans ma chambre où j'avais épinglé des photos de plusieurs personnes dont je soupçonnais de faire partir de la mafia. Il y en avait dont j'étais persuadé et cherchais un lien entre ces individus. Pas évident à trouver.

- Merci encore Do Hwan. Et à ton indic' aussi d'ailleurs. Je serai peut-être mort dans ce tas de poubelles à l'heure qu'il est si tu ne m’avais pas trouvé. Je te dois un bol de nouilles

Déclarais-je avec un grand sourire avant de grimacer rapidement car mine de rien j'avais aussi quelques bleus sur le visage. Mon sexappeal devait être inexistant actuellement.

Hsiao Chun accepte ma proposition de lui rapporter quelques affaires. Il me demande des vêtements propres et je penserais à prendre également son nécessaire de toilettes. J’imagine qu’il aura envie de se brosser les dents, même s’il ne pourra pas le faire seul, comme beaucoup de geste quotidien. Cette pensée me noue les entrailles. La culpabilité me ronge. Elle ne devrait pas. Je n’ai fait que mon travail, ce pour quoi j’ai été envoyé chez les poulets. Je suis un informateur pour la mafia. Malheureusement j’ai commis l’erreur de m’attacher à mon aîné et voilà le résultat. Je me retrouve pris entre deux feux, deux sentiments contradictoires et j’imagine que ce n’est que le début !
« Je m’en occupe. Est-ce qu’il y a des plantes à arroser ou un chat à nourrir ? »
Je suis de bonne volonté et encore une fois, c’est le poids de la culpabilité qui parle mais c’est plus fort que moi. D’ailleurs je ne tarde pas à me lever pour m’approcher de la petite table sur laquelle ont été rassemblé ses affaires. J’y trouve facilement sa veste et surtout ses clés. En me tournant vers lui pour lui montrer ma trouvaille, je me fige en entendant ses remerciements. Mon sourire se crispe un peu avant que je ne lui réponde :
« Tu m’en offriras deux puisque je compte aussi m’occuper de toi. »
Je m’approche à nouveau du lit, me promettant de prendre soin de lui, même si ce n’est pas mon rôle et que cette amitié risque de me mettre des bâtons dans les roues. Alors que je m’installe à nouveau près de lui, la porte s’ouvre sur une aide-soignante qui vient déposer le repas de Hsiao Chun. Elle me demande alors si je veux aider mon ami à manger, le cas échéant, elle reviendra après sa tournée.
« Non, c’est bon, je vais le faire. »
Elle s’en va et je rapproche alors le plateau de mon ami :
« En fait, je crois que tu m’en devras trois. »

Je faisais suffisamment confiance à Do Hwan pour le laisser entrer dans mon appartement. Je n'avais rien de préjudiciable à part s’il était un grand maniaque et qu'il risquerait de faire une attaque en voyant les emballages sur la table basse et la vaisselle sale dans l'évier. Oui, je n'étais pas l'homme le plus rangé de la planète mais je privilégiais mon travail à ma santé personnelle, et on pouvait bien voir le résultat maintenant que j'étais cloué dans ce lit.

- Non mais si tu aimes laver la vaisselle

Déclarais-je avec un sourire en coin, léger car j'avais trop mal sinon en étirant mes lèvres. Pas d'animaux, le pauvre serait bien malheureux et je ne parlais pas non plus des plantes qui seraient mortes rapidement. Même un cactus ne survivrait pas avec moi. Je remerciais mon ami pour son aide, car sans lui je me serai senti bien seul à ne pas pouvoir faire grand-chose sans mes deux mains, ne serait-ce que pour boire. J'espérais toutefois rapidement guérir de mes blessures pour au moins pouvoir tenir quelque chose.

- Aie aie, attention je pourrais tomber amoureux de toi

Je le taquinais évidemment, je n'éprouvais rien d'autre que de l'amitié pour mon collègue. Ça serait vraiment pas une bonne idée d'aimer un autre policier, je serai mort d'inquiétude tout le temps. Je n'avais en plus pas l'habitude d'être aussi choyé par quelqu'un, mon père avec qui j'avais grandis était très loin d'être un papa poule et il était en plus peu souvent là à cause de son travail. Alors que Do Hwan venait se rasseoir près de moi, la porte s'ouvrait sur une infirmière apportant mon repas. Cette dernière demanda à mon ami s'il voulait me nourrir ou non. Sans vraiment avoir eu le temps de donner mon avis, il accepta de s'occuper de mon repas.

- Je peux manger tout seul quand même

Je me sentais un peu mal à l'aise, mais après avoir regardé mes mains bandées comme des gants de boxe...

- Ouais non en fait ça va être compliqué...

Je soupirai, ce qui me fit grimacer un peu à cause de mes côtes cassées.