Tranquillement installé dans la file un peu trop longue d'un coffee shop, obligé donc de supporté la chaleur de la saison un peu trop suffocante pour lui. Voilà où il était quand c'est arrivé. Tee-shirt gris foncé, pantalon foncé, casque sur la tête, la parfaite panoplie du gars qui ne veut pas qu'on fasse attention à lui. Il a remarqué les gars avant de remarquer leur cible. Et il a su qu'ils avaient de mauvaises intentions avant même qu'ils ne passent à l'acte, car il les a reconnus sans trop de mal. Cela remonte à deux ans, mais il ne peut pas oublier ce genre de chose. Cela l'a beaucoup trop stressé. Ces gars s'en sont pris à lui par erreur, en pensant qu'il leur devait de l'argent. Il ne devait rien. Il vole l'argent dont il a besoin, mais pas à des gars comme ça, non. À des gens qui ne se rendent même pas compte qu'ils perdent de l'argent tellement ils en ont. Et parfois, il fait des trucs un peu plus légaux, pour remplir son compte officiel en plus de son boulot au zoo. Il était déjà en train de bosser à son attaque virtuelle quand ils ont trouvé leur cible. La ruelle juste en face du coffee shop, pourtant personne ne l'a vu se faire attraper et pousser. Il a avancé dans la file tout en pianotant et avant qu'ils ne le passent à tabac leurs portables se sont mis à sonner, encore et encore et encore. Il est ressorti du coffee shop, café en main et a jeté un regard victorieux vers la ruelle, avec un léger sourire en coin, avant de baisser la tête pour que sa visière le dissimule mieux et s'est éloigné.

Il ne s'est pas rendu compte qu'il avait été remarqué par la proie. Donc, il n'a pas trouvé bon de modifier ses habitudes.

Le voilà donc, le lendemain, revenant ici pour récupérer son café avant d'aller bosser, comme tous les matins. Il est tôt, mais il n'est jamais trop tôt pour lui. Même s'il peut parfois veiller tard, au final, il ne dort jamais beaucoup. Il a la chance d'avoir un organisme qui se nourrit de peu de sommeil pour fonctionner.

Tee-shirt noir, jean bleu, il a la même casquette que la veille et son sac à dos sur l'épaule. Il s'installe dans la file d'attente et sifflote tranquillement, distraitement, tout en consultant ses mails. Il cherche à voir si la personne à qui il a envoyé des informations sur une firme pharmaceutique faisant des tests sur des animaux a répondu à son mail. Mais non. Il retient son soupir et revient sur son téléphone normal, quittant sa partition secrète et regarde la file qui avance devant lui, se contentant donc d'un article sur une avancée scientifique quelconque parce qu'il n'aura pas le temps de faire un niveau. Les mouvements autour de lui ne l'inquiète pas, puisqu'il est normal que les gens se placent derrière lui pour eux aussi avoir leur café. Il est plutôt zen et détendu donc, sans pression, son quotidien n'a pas de raison de générer des inquiétudes.

Si en Corée du Sud j’avais à mes trousses des assassins, ici ce sont plutôt des créanciers qui me courent après, des types que je pourrais facilement tuer si j’en avais vraiment envie mais je ne veux plus avoir du sang sur les mains. Alors je me contente de les éviter et quand ils me tombent dessus, j’encaisse sans broncher. La plupart du temps je suis bien trop ivre ou drogué pour réellement sentir leurs coups. Il faut dire que j’ai connu bien pire à l’époque où je travaillais pour la mafia coréenne. Quand j’y pense, c’était presque dans une autre vie. Pourtant j’en ai gardé des réflexes. Et c’est certainement comme ça que j’ai pu remarquer son intervention. Je ne sais pas très bien ce qu’il a fait et j’avoue que j’étais un peu sonné pour réellement comprendre mais dans le fond, ça n’a pas vraiment d’importance. Je sais que je lui en dois une et c’est tout ce qui compte. D’ailleurs je paie toujours mes dettes, d’une manière ou d’une autre. Qu’on le veuille ou non.

C’est pour cette raison qu’en le reconnaissant dans la même file, le lendemain, je décide de m’approcher de lui, retenant avec difficulté un sourire sur mon visage qui porte encore les marques du passage à tabac que j’ai reçu la veille. Et encore ça aurait pu être bien pire. Finalement on peut dire que je m’en sors plutôt bien et c’est grâce à lui, même si je suis incapable d’expliquer comment ni pourquoi. Après tout, qui porte secours à un parfait inconnu ? Je me le demande. Je pensais que j’étais le seul à intervenir et à jouer les justiciers sur mes heures perdues mais il faut croire que je me trompais.

Sa taille et son allure sont les mêmes. Sa casquette et son sac à dos aussi. Je ne peux pas me tromper et c’est certainement pour cette raison que je me penche légèrement en avant pour lui murmurer dans le creux de l’oreille :
« Le café est pour moi. Pour vous remercier pour hier. »
Parce que je paie toujours mes dettes et que pour une fois, j’ai de l’argent qui traine dans mon portefeuille. C’est plutôt rare. En général je suis toujours fauché mais c’est par choix. Il fut une époque pour où mon avidité m’a poussé à commettre les pires crimes. Bien sûr j’avais toutes les excuses du monde pour les commettre mais depuis, j’ai décidé que je n’avais pas besoin d’argent pour être heureux, même si pour le coup je me retrouve avec des créanciers au cul. Mais c’est également un choix ou une punition que je me suis choisis pour expier mes péchés. Décidément, il n’y a que lorsque je suis sobre que je raisonne comme ça. Ce n’est donc pas d’un café dont j’ai besoin mais d’un whisky malheureusement ce n’est pas ici que j’en trouverais.

Le sursaut survient juste avant que la voix ne s'élève dans le creux de son oreille. Parce qu'il a senti le souffle contre sa peau, et la présence de l'homme juste derrière lui. S'il n'avait pas eu un self-control immense, il l'aurait sans doute repoussé avec violence. Mais la phrase lui laisse comprendre qu'il s'agit du type qui se faisait passer à tabac la veille qui est repassé ici pour une raison inconnue. Il se dégage un peu et tourne la tête vers lui pour le regarder. Il a une sale tête, mais elle aurait sûrement été pire vu la détermination qu'ils avaient à lui refaire le portrait. « Pas besoin ». Il hausse les épaules. Il le regarde simplement. Il n'a jamais été très expansif. Enfin, si, avant. Quand il était plus jeune. Avant que sa vie ne tourne au désastre. Et puis il y a eu le silence. Pendant longtemps. Jusqu'à ce que finalement les choses changent un peu. Puis un peu plus. Jusqu'à ce qu'il laisse entrer quelqu'un dans sa vie, aussi. L'homme qui l'a empêché de finir avec la même tronche que ce type qui veut lui offrir un café pour le remercier. Il n'en a pas besoin. Il ne veut pas de ça. Il est sans doute un peu trop sauvage. C'est terrifiant pour lui, d'une certaine façon.

Il reste silencieux un instant. Le silence ne l'a jamais oppressé. Il n'a jamais été mieux que dans le silence quand il avait à la fois tant de choses et si peu à dire. Il fait craquer sa nuque et esquisse un sourire. Un geste fluide et discret lui permet de ranger son téléphone. Puis, il vient attraper ses bretelles de son sac pour les serrer. Il va s'en aller. Parce qu'il n'a rien à faire de mieux et qu'il ne veut pas s'attirer d'ennui. Il l'a aidé, il ne pensait pas qu'il le verrait, ni qu'il chercherait à prendre contact. Il veut juste qu'on ne fasse pas attention à lui. « Ils vont recommencer ». Simple avertissement. Il imagine bien qu'il sait ce qui se passe. Il sait sans doute que ce sont des créanciers, ils n'ont sans doute pas manqué de lui rappeler la dette qu'il a et pourquoi ils lui en veulent. Il le regarde encore et dit : « Ils vous tueront ». Sans doute, n'est-ce pas ? S'il ne paye pas, c'est ce qui se passera. Il le sait. Il s'en doute. Mais il ne pourra pas forcément l'aider. Dae In n'est pas forcément ce genre de justicier. Il s'en prend à de plus grosses causes et il essaie de ne pas être grillé. Bon, là, en l'occurrence, c'est raté. Il se décale d'un ou deux pas, prêt à s'en aller. Mieux vaut fuir que prendre des risques, c'est plus facile, moins stressant. Et il a déjà eu assez d'embrouilles comme ça dans sa vie. Il n'en veut plus aujourd'hui. Même si c'est assez contradictoire avec ce qu'il fait, n'est-ce pas ?

Un léger sourire s’imprime sur mes lèvres à sa réponse qui me confirme ce que je savais déjà. C’est bien grâce à lui si je m’en suis sorti mieux que prévu hier. Rien que pour ça, il mérite vraiment ce café et comme il le découvrira bientôt, je suis un homme obstiné.

Il ne dit rien de plus, moi non plus. Nous ne sommes pas obligés de parler, ni de faire connaissance. Je lui dois juste un café, ce n’est pas grand-chose mais il peut être certain que je lui suis redevable et je paie toujours mes dettes. Un jour, peut-être aura-t-il besoin de mes services. Je suis un bon homme de main et même si j’ai juré de ne plus tuer qui que ce soit, je ne suis pas doué pour tenir ce genre de promesse. Après tout, on ne peut pas changer sa vraie nature et bien malgré moi je suis et je resterais un assassin, même si je ne travaille désormais plus pour la mafia et que j’essaie de me racheter une conduite.

Mon sourire s’élargit lorsqu’il me dit qu’ils vont recommencer. Je le sais et je les attends. Par contre est-ce qu’ils me tueront comme il le dit ?
« Non, je ne crois pas. Pour leur propre sécurité, il ne vaut mieux pas qu’ils cherchent à en arriver là. »
Car la vérité c’est que je me suis laissé faire dans cette ruelle. Cette raclée, je le méritais et aucun passage à tabac ne me permettra jamais d’expier mes crimes. Pour autant, le tueur en moi possède encore un instinct de survie et pour la sécurité de ces hommes mieux vaut qu’ils n’aillent pas trop loin car c’est eux qui risqueraient de mourir.
« Au fait, je m’appelle Liam. Seo Liam et je paie toujours mes dettes. Je t’en dois une et un jour je te revaudrais ça. »
Peut-être pas maintenant ni demain, mais un jour il aura peut-être besoin d’un service. Le genre de service que seul un homme dans mon genre pourra lui rendre. Vu ce qu’il a été capable de faire la dernière fois, je ne doute pas de sa capacité à me retrouver le moment venu. Après tout, je lui ai donner mon vrai nom. S’il me recherche sur le internet classique, il ne trouvera peut-être rien. En revanche sur le Dark Web, il risque de voir mon nom associé à celui d’un tueur pour la mafia coréenne qu'on surnommait autre fois Iceman. Quand j’y pense, c’était presque dans une autre vie.
« En attendant, laisse-moi te payer un café. »

L'homme qu'il a aidé avec les créanciers l'a non seulement repéré, mais il l'a aussi retrouvé et il a pris contact avec lui, lui adressant la parole. Evidemment, Dae In a tendance à paniquer. Il se demande ce qu'il veut exactement, pourquoi il semble avoir si envie de discuter avec lui. Mais il le fait. A sa proposition de café, Dae In se contente de lui dire qu'il n'a pas besoin de le faire. Il n'attend rien en retour de l'aide qu'il a fournie.

Il range son portable et attrape les bretelles de son sac, prêt à partir, renonçant ainsi au café qui l'attendait. Mais avant de le faire, il lui offre deux avertissements : ils recommenceront, et ils finiront par le tuer. C'est ainsi qu'ils fonctionnent. Mais l'homme ne semble pas trop s'en soucier. Il lui dit même qu'il n'y croit pas, et qu'ils n'ont pas intérêt à essayer. Dae In jette un coup d'œil vers l'homme qu'il aidé. Il avait l'air de se prendre une sacré raclée tout de même. Alors quoi ? Est-ce qu'il se laissait faire ? Est-ce qu'il a anticipé de nouveaux plans pour se défendre ? Peut-être a-t-il trouvé une arme pour se protéger. Il n'en sait rien. Il n'est pas sûr de vouloir savoir.

Il reprend la parole pour se présenter. Son prénom ne sonne pas asiatique, ce qui intrigue forcément Dae In. Et son nom sonne très coréen, ce qui l'intrigue encore plus. Et il lui dit qu'il paie toujours ses dettes y compris celle qu'il a à présent envers lui. C'est étonnant. Mais sa première réponse associée à cette étrange façon de se présenter, l'espace d'un instant, Dae In se demande s'il n'aurait pas un ancien militaire à ses côtés. Quelqu'un qui semble lié à l'honneur, qui ne semble pas plus inquiet que cela à l'idée d'être retrouvé par les créanciers. Un ancien flic ? Ou autre chose, peut-être. Dae In a tendance à vouloir envisager que c'est quelqu'un de lié aux forces de l'ordre. Mais une part de lui sait aussi qu'il pourrait être un criminel. Ou un ancien criminel. Difficile à dire. Mais maintenant qu'il a un nom, il va pouvoir chercher. « Tu ne devrais pas t'engager à la légère sans savoir à qui tu as affaire ». Après tout, son sens de l'honneur est louable. Mais il ne sait pas auprès de qui il s'engage, ni ce qu'il pourrait lui demander de faire. Heureusement, il y a peu de chances pour que Dae In cherche à lui faire faire quoi que ce soit. Mais des petites mains pour certaines choses qu'il ne peut pas faire en ligne pourraient être intéressantes. Heureusement qu'il n'a rien d'un grand criminel fou dangereux.

Il insiste à nouveau pour lui offrir un café. Dae In le regarde. Il ne le lâchera pas, hein ? Il est presque sûr qu'il le suivrait s'il partait pour l'accompagner au coffee shop suivant. Il est temps qu'il se prépare son propre café, pour éviter d'avoir à se presser dans ce genre de lieu. « Va pour un café... Je m'appelle Dae In ». Lui par contre, il ne lui donne pas son nom. Il aurait du mal à l'identifier, parce qu'il n'y a que bien peu de papiers sur lui. Mais avec un nom, le retrouvera à Bangkok serait bien plus facile. Déjà que son prénom sonne fort coréen lui aussi. Alors s'il y rajoute son nom. Il préfère éviter. Surtout tant qu’il n’est pas certain de comprendre ses intentions et de mieux savoir qui s’adresse à lui.

Sa réponse m’arrache un sourire. J’imagine que ce conseil est vrai pour beaucoup de gens. Pour des gens ordinaires qui ont des choses à perdre mais moi, je ne possède rien. J’ai tout perdu il y a longtemps à commencer par mon âme. D’ailleurs j’ignore s’il peut être dangereux, mais je le suis certainement bien plus que lui. En tout cas, je doute qu’il ait autant de sang qui macule ses mains que moi et ce n’est pas quelque chose dont je suis fier. Pour le reste de ma vie, je serais hanté par les fantômes de tous ceux que j’ai tué. C’est la croix que je dois porter pour le reste de mes jours.

Il semble hésiter pourtant, il finit par me donner son nom, ou plutôt son prénom. Mon sourire s’élargit. Il est plus franc et reflète clairement le fond de ma pensée. Je suis content qu’il ait fini par céder, rien qu’un peu. De toute façon ce n’est pas comme si je lui avais vraiment donné le choix. Je crois même que je ne l’aurais pas lâché. Il a dû le sentir.
« Toi aussi tu es coréen Dae In ? Tu veux qu’on parle en coréen ? »
Car depuis le début, nous échangeons en thaïlandais mais peu importe la langue, je suis à l’aise avec les deux. En arrivant ici il y a quelques années, je ne parlais pas un traite mot de la langue mais je suis un homme qui sait s’adapter et j’ai vite appris. J’ai simplement encore un peu de mal avec la lecture mais ça vient petit à petit, même si j’imagine que je ne serais jamais capable de lire des grands classiques thaïlandais ni de disserter comme le fond certain. Cela dit, tant que je peux me débrouiller au quotidien, c’est tout ce qui compte.
« Moi je suis ici depuis quelques années. La Corée me manque mais ce n’est pas comme si je pouvais rentrer et puis dans le fond, j’aime assez ma vie ici. »
C’est mon enfer sur Terre. L’endroit où je dois expier mes fautes et je trouve qu’il y a bien pire.

Finalement, il n'a pas l'air gêné de s'engager sans savoir avec qui il va devoir collaborer pour payer sa dette. Même Dae In ne ressemble pas à un grand méchant, le fait est qu'il pourrait simplement bien cacher son jeu. C'est le cas d'ailleurs. Quand on le regarde, on voit certainement beaucoup de choses, mais pas un hacker qui dépouille les riches et surtout les criminels. Ce qui finira par lui attirer des ennuis un jour, sûrement. Il ne doit donc pas avoir peur de perdre grand chose ou de s'attirer des ennuis. C'est assez intéressant, même si sans doute que Dae In aurait pu s'en douter, Liam le porte tout de même un peu sur lui.

A son tour, il se présente, donnant son prénom, et Liam lui demande s'il est coréen et s'il veut qu'ils parlent en coréen. Il hausse les épaules. « Les deux me conviennent ». Il ne répondra pas quant à sa nationalité. Il l'est, oui. Mais pas par choix, et certainement pas avec fierté. Tant qu'ils ne disent rien de suspect, ils peuvent bien parler en thaïlandais, cela ne change pas grand chose.

Assez naturellement, Liam lui parle de lui, confiant que la Corée lui manque, mais qu'il ne peut pas rentrer, et qu'il aime sa vie ici. Et quel genre de vie, hein ? Dae In ne sait pas trop. En tout cas, il semble s'en sortir, alors. « Pourquoi tu ne peux pas ? ». Il demande plutôt pour le pousser à parler de lui que pour devoir le faire lui-même. « Elle ne me manque pas ». Il hausse les épaules à nouveau. Sans doute Liam comprendra ainsi pourquoi il n'a pas répondu sur la question de la nationalité. La Corée n'a plus rien à lui apporter.

Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’est pas bavard mais ce n’est pas quelque chose qui me dérange. A vrai dire, j’ai l’habitude des gars comme lui. Dans la mafia, il y a deux types de gars. Ceux qui ne parlent jamais ou rarement comme Dae In et ceux qui la ramènent beaucoup trop comme moi. L’un n’étant pas forcément plus dangereux que l’autre.

Il parle coréen mais n’a pas forcément envie qu’on utilise cette langue alors on va continuer en Thaïlandais même si je risque de ponctuer mes paroles de coréens parce que sachant qu’il va comprendre, je risque de me relâcher. En revanche, il ne me confirme pas être coréen. Peut-être parce que ça va de soi ? A vrai dire, de bon matin quand je n’ai pas eu ma dose, j’ai tendance à ne pas être très vif niveau réflexion, surtout quand il n’y a pas d’enjeu.

Si lui la Corée ne lui manque pas, ce n’est pas mon cas et lorsqu’il me demande pourquoi je ne peux pas rentrer, j’éclate de rire. Devrais-je lui expliquer que je suis recherché par la police et par la mafia ? J’ai beau être abruti par toutes les substances que je prends au quotidien, j’ai encore un peu de jugeote.
« Trop de mauvaise chose m’attentent là-bas. Mon ex-femme m’a brisé le cœur en partant avec mon patron. »
Avant de le tromper avec moi. Vous parlez d’une pagaille ? Il veut ma peau et je veux la sienne mais lui, il a des centaines d’hommes à sa botte prêts à me tuer et moi, j’ai beau être un excellent tueur à gage quand je ne suis pas sous substance, j’ai décidé de renoncer à l’amour de ma vie en m’exilant ici. Quoique, il se pourrait bien que j’ai retrouvé un sens à ma vie et un nouvel amour.
« Une sale histoire mais j’ai refait ma vie en Thaïlande. Bangkok offre beaucoup de possibilité. Et toi, te bosses dans quoi ? »
Il n’est pas obligé de me répondre. Pas non plus obligé d’être précis. Je lui fais juste la conversation en attendant notre tour. De toute façon je ne suis pas le genre de gars à se fâcher pour un vent.

Il ne pensait pas qu'il le retrouverait. Et encore moins qu'il viendrait le voir. Mais le type qui l'a aidé est là, en train de lui faire la conversation. Et Dae In lui pose des questions, au moins, ça force l'autre à parler, et ça lui évite de parler de lui. Il entend son histoire. Et il répond un peu gêné : « Je vois ». Il n'a pas dû avoir la vie facile. Mais bizarrement, il pense que ce n'est probablement pas tout. Il y a sans doute d'autres choses. Après tout, on n'en arrive pas là par hasard, n'est-ce pas ? Dai In doit reconnaître qu'il commence à être un peu curieux. Même s'il ne le montrera pas. Et qu'il n'est définitivement pas la personne la mieux placée pour s'épancher. Il est trop maladroit pour ça. Mais ce n'est pas ce que semble rechercher Liam, ce qui est parfait.

Il reprend la parole pour s'expliquer un peu plus. Il semble trouver que Bangkok est pleine de possibilités. Et il a raison. C'est surtout l'occasion de faire table rase. « C'est bien parfois, de recommencer ailleurs ». Il sourit un peu. Il comprend l'idée. Il comprend la volonté d'aller voir ailleurs. Au moins ici, il ne manquera de rien. Et il sera un anonyme au milieu de la foule. Il le regarde et dit en réponse à sa question : « Je suis soigneur animalier ». Il n'a rien à cacher. Après tout, ce boulot, c'est le plus honnête qu'il puisse faire. Il ne lui dira pas qu'il a d'autres activités, bien sûr. La file avance un peu. Mais pas assez vite sans doute. Il ne sait pas trop quoi dire, heureusement, il parle assez pour deux.